C'est une véritable bombe que
l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'ONU (par la voix de
Christiana Figueres, qui pilote la convention de l'ONU sur le Climat)
ont posté, le 29 août. Une bombe pour les entreprises pétrolières
et de gaz/charbon. « Les experts médicaux appellent le
secteur médical à retirer ses investissements des entreprises
d'énergie fossile et à investir à la place sur les énergies
renouvelables. C'est une étape pour mieux protéger contre les
effet du changement climatique sur la santé » (communiqué de l'ONU ici) Cette déclaration fait suite au premier sommet Climat /
santé organisé par l'OMS, du 27 au 29 août 2014 à
Genève, et qui avait rassemblé 300 spécialistes.
Désinvestir des entreprises d'énergie fossiles : une question de santé
publique ?
Jusqu'à présent, le lien entre santé
et changement climatique a été peu débattu sur la place publique
et il a été relativement peu « brandi » chez les
investisseurs responsables (ISR), qui se sont attachés plutôt au lien
entre le changement climatique et les risques opérationnels pour les
entreprises (ex : une inondation qui paralyse une usine), ou
encore au risque de « réputation » (= d'image). La prise
de position de l'OMS et de la directrice de l'UNFCCC Christiana
Figueres pourrait changer fortement cet état de fait.
Tout a commencé par une clarification
de l'OMS sur l'impact désastreux du changement climatique sur la
santé : 250.000 décès supplémentaires par an entre 2030 et
2050. « Les preuves sont accablantes: le changement
climatique met en danger la santé humaine », résumait la
directrice de l'OMS Margaret Chan, le 27 août. Pour plus de détails
sur ces liens, l'OMS a mis en place un aide mémoire climat sur son
site.
La directrice de l'OMS a poursuivi sur
un discours connu : « Des solutions existent et
nous devons agir avec détermination pour modifier cette
trajectoire. ».
Mais parmi les solutions, on ne s'attendait pas à ce que le désinvestissement soit mis en haut de la pile. C'est chose faite, puisqu'il vient d'être publiquement
recommandé par Christiana Figueres. Celle-ci n'est pas n'importe qui
puisqu'elle est la « patronne » des équipes de l'ONU
chargées d'organiser les conférences climat COP 20 et COP 21 (précisément, de la convention cadre de l'ONU sur le climat). Elle participait à la conférence de l'OMS.
"Le désinvestissement est un moyen prometteur de lutter contre le changement climatique et d'augmenter la santé humaine" (Christiana Figueres citée dans le communiqué de presse de l'ONU).
A noter que l'OMS n'a pas pris officiellement position sur un tel boycott (exclusion, diraient les investisseurs responsables).
L'intérêt principal de
désinvestir dans le pétrole, le charbon et le gaz ? Il est
double, aux yeux de ses partisans. D'abord rééquilibrer les investissements entre les énergies
fossiles et renouvelables : aujourd'hui pour un euro dans les
enr, il y en a 4 dans les énergies fossiles (selon le WWF). Le
deuxième intérêt est scientifique : cela permettrait de
conserver sous terre, plutôt que de les brûler dans l'atmosphère,
toute ou partie des réserves d'hydrocarbures « nouvelles » :
il s'agit de ces gisements non conventionnels, comme le gaz dans
l'océan arctique ou au large du Brésil. Non rentables il y a 10
ans, ils sont sur le point d'être exploitées, du fait de l'appétit
mondial pour les hydrocarbures. Ces réserves sont depuis peu appelées "unburnable", non brûlables.
Cette prise de position est une très mauvaise
nouvelle pour les géants du pétrole, dont le Français Total. Nul doute qu'ils vont affuter
une stratégie de communication en riposte. En attendant, les
activistes de 350.org, qui sous la houlette de Bill McKibben,
appellent les universités américaines et mondiales à désinvestir
leurs fonds des « big oil », peuvent se frotter les
mains. Le débat est officiellement devenu un sujet de santé
publique.
Signe que le sujet n'est pas en prendre à la légère, l'agence Bloomberg New Energy Finance vient de publier une note sur le désinvestissement dans les énergies fossiles (white paper du 25 août 2014).
Mots clé : investissement socialement responsable, COP21, climat, OMS, Figueres.
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