mardi 23 septembre 2014

ECF, pionnier de l'aquaponie

A la culture de légumes hors sol, ECF Farmsystems ajoute le poisson. Le résultat s'appelle l'aquaponie et pourrait constituer une source d'approvisionnement intéressante pour les habitants des villes. Quand les déchets du poisson deviennent les ressources d'un potager urbain, la symbiose est prometteuse... Zoom sur ECF Farmsystems, pionnier du genre.


En travaux. Sur la webcam d'ECF Farmsystems, l'internaute aperçoit la grue jaune qui a creusé l'emplacement de la future serre et du bassin à tilapias. A l'arrière-plan, les bâtiments administratifs sont déjà en place. « Nous sommes en phase pour les délais, la construction de la serre commencera dans une semaine », précise Nicolas Leschke, le patron de cette entreprise d'agriculture urbaine pas comme les autres. La culture des salades, herbes aromatiques et autres tomates commencera elle début décembre. « Nous aurons les premières ventes de légumes deux mois plus tard, après les ajustements du début. Quant au poisson, les premières ventes arriveront en juin 2015 ». L'installation, d'une taille de 1800 m2, sera la plus grande ferme aquaponique urbaine d'Europe. 

 

L'aquaponie ? C'est une version moderne de l'alliance ancestrale entre le végétal et le poisson. Dans les rizières d'Asie, il n'était pas si rare d'élever des poissons. Dans les containers recyclés d'Europe (version « light » du projet ECF) et dans la ferme de Berlin (le projet en taille moyenne), c'est nouveau, c'est tendance, voici les poissons qui alimentent les plantes. De leurs déjections on fait un engrais (en simplifiant). Le procédé, que m'avait décrit Cédric Péchard, un des pionniers français de l'économie bleue (tendance Gunter Pauli), en 2012, a été peaufiné outre Rhin par l'Institut Leibniz d'écologie d'eau douce et de pisciculture IGB. Total, voici une efficacité qui réduirait de 90% l'eau nécessaire globale et de 70% l'espace nécessaire, selon ECF Farmsystems. Encore faut-il des pionniers tous azimuth, municipalités, financeurs, consommateurs, pour que l'évidence s'impose.

Une affaire de goût, ou d'engagement ?
Surtout ne dites pas à Nicolas que ces tomates n'auront pas de goût, ou qu'elle seront de la flotte en rondelles, comme les trop belles tomates en grappes qui s'exhibent en plein hiver à la pelle, chez Auchan ou Super U... « On nous demande aussi si nos tomates ont le goût du poisson. Est-ce que le maïs à un goût de merde ? », rétorque Nicolas, un brin provocateur. Le goût de la tomate dépend avant tout de la variété et de la nutrition de la plante. « Nous avons choisi une variété de tomates qui pousse lentement, avec un rendement à 35 kg par m2, contre 80 kg pour des tomates industrielles ». Le goût est excellent, affirme-t-il. Les sceptiques iront sur place pour vérifier.

Le terrain, pas un obstacle ?
Tout cela est bel et bien, mais trouver un espace en ville à un prix raisonnable pour faire de l'agriculture ne risque-t-il pas de s'apparenter à gravir l'Anapurna en tongs ? A écouter Nicolas, ce n'est pas forcément le cas. L'entreprise ECF loue son terrain à un promoteur privé pour une durée de 20 ans, à un tarif « très bon marché » (que son directeur refuse néanmoins de divulguer). Plutôt que d'installer une ferme en centre ville, il convient de miser sur une zone industrielle en proche périphérie, ou sur le toit d'un immeuble (pour un container), ajoute Nicolas Leschke. Soit.



Franchise, développement, modèle économique
Mais les Français ne semblent pas, actuellement, aussi intéressés par l'aquaculture que nos voisins allemands (1). Peut-être préfèrent-ils les 1000 vaches servies sur un plateau, que le tilapia au romarin. L'équipe ECF travaille sur plusieurs autres projets de fermes en Europe, dont 2 au moins seront en franchise, mais aucun de ces projets n'est prévu en France.

Dans chaque ferme aquaponique, le tilapia cotoiera salades, concombres et tomates, avec un modèle commercial de vente directe, similaire aux AMAP : un panier hebdomadaire sur abonnement pour les légumes. Le tilapia, lui, sera vendu 15 euros le kilos, sur place et via internet, à des particuliers et des restaurateurs. Il faudra 150 abonnements de panier légume et 15 tonnes de poissons vendues par an, pour atteindre l'équilibre financier, d'après Nicolas Leschke. Le tout pour un investissement initial, hors terrain, qui tourne entre 500 et 1200 euros par mètre carré, tous frais inclus : architecte, fondations, bassin, connections électriques et chaleur...

Voilà de quoi réhabiliter le tilapia, poisson star des piscicultures industrielles, parfois mal vu des écologistes. A déguster grillé, avec du romarin et du citron.


(1) Cédric Péchard, promoteur de l'économie bleue de Gunter Pauli, fait partie des quelques Français ayant monté un projet d'Aquaponie dans des containers : U Farm. Projet abandonné pour se consacrer à la culture de champignons 

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