Suite au reportage de Cash Investigation sur le recours abusif au travail détaché, j'ai souhaité approfondir les relations entre travail détaché et RSE (voir mon post de blog du 20 avril 2016 "Travail détaché : nouvel enjeu de RSE ? ).
J'ai découvert qu'en janvier 2015, la question du travail détaché a fait l'objet d'une présentation à la plateforme nationale sur la RSE. Plus précisément, au groupe de travail n° 3 de la Plateforme RSE, "Implications de la responsabilité des entreprises sur leur chaîne de valeur (filiales et fournisseurs)".
A cette occasion, Anne Thauvin, chef du pôle travail illégal au sein de la DG Travail (Ministère du Travail etc) a présenté "la responsabilité solidaire sur le recours abusif aux travailleurs détachés". La responsabilité solidaire a été instaurée par la Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.
Le compte-rendu de cette réunion, qui est très éclairant, est disponible sur le site de France Stratégie, à cette adresse :
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En résumant, la loi contre la concurrence sociale déloyale introduit des dispositions qu'on peut légitimement considérer comme une partie du "socle légal" pour toute approche RSE du travail détaché.
- Elle crée une responsabilité solidaire pour les maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre en cas de non-paiement des salaires,
- Elle impose au donneur d'ordre ou maître d'ouvrage un certain nombre d'obligations de moyens et de vérifications auprès de ses sous-traitants.
Un minimum légal que toutes les entreprises ne respectent pas, si l'on en juge par le reportage de Cash Investigation...
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Voici le compte-rendu de la présentation d'Anne Thauvin, tel qu'il a été écrit et publié par France Stratégie pour le compte de la plateforme nationale RSE :
(j'ai surligné en jaune des passages qui me paraissent intéressants ou importants)
" La loi
du 10 juillet 2014 s’appuie sur la proposition de loi déposée par
le député Savary en Décembre 2013. Discutée avec le Ministère du
travail, elle propose une sur-transposition
de la directive d’exécution en matière de détachement des
travailleurs publiée en mai 2014. Elle vise ainsi à lutter
contre la concurrence sociale déloyale, alors que les fraudes
autour des travailleurs détachés étaient en augmentation :
non-respect du paiement du salaire minimal, des durées maximales de
travail ou encore conditions d’hébergement déplorables. Elle
confronte alors deux droits : le droit social du détachement et le
droit du travail.
Cette
loi va plus loin que la directive d’exécution sur le détachement
en bâtissant une responsabilité
solidaire en cas de non-paiement des salaires qui s’applique à
tous les secteurs professionnels, et non au seul secteur du
bâtiment. De plus, le régime de responsabilité est étendu à
l’ensemble des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordres,
quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance : la
responsabilité n’est donc pas limitée au cocontractant direct.
Ainsi, il est possible de poursuivre le donneur d’ordre pour des
fraudes relevant d'un de ses sous-traitants. Cette disposition
s’applique à l’ensemble des salariés, qu'ils soient ou non
détachés.
Il
s’agit d’une obligation de moyen et non de résultat : s’il
est prévenu par l’inspection du travail que les salariés détachés
d’un sous-traitant ne bénéficient pas des dispositions légales
ou conventionnelles en matière de salaire minimum, le donneur
d'ordre ou le maître d'ouvrage devra lui demander de régulariser la
situation. La responsabilité du DO
ou du MO n’est ainsi engagée qu’à la demande d’un agent de
contrôle et s’il ne remplit pas son obligation d’injonction
; il n’y a pas de mécanisme automatique.
La loi
vient aussi compléter l’arsenal législatif français en matière
de lutte contre les fraudes au détachement, en instaurant d’autres
régimes de responsabilité solidaire :
- L'employeur, qui détache un ou plusieurs salariés, doit adresser, préalablement au détachement, une déclaration à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation et lui désigner un représentant pour l'entreprise. Cette déclaration est également annexée au registre unique de l'entreprise d'accueil des salariés détachés.
Le
donneur d'ordre doit vérifier auprès de son prestataire de services
qui détache des salariés qu'il a bien rempli ses obligations de
déclaration. La "méconnaissance" par l'employeur
de ses obligations en matière de détachement est passible d'une
amende de 2000 € par salarié dans la limite de 10 000€. La loi
Macron prévoit un déplafonnement.
- Lorsqu’un sous-traitant héberge collectivement ses salariés (détachés ou non) dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu, à la demande d’un agent de contrôle, de prendre en charge un nouvel hébergement, à moins que l’employeur n’ait régularisé par lui-même la situation.
- Lorsqu’un sous-traitant ne respecte pas les dispositions essentielles (matières du « noyau dur » du droit du travail énoncées par la directive détachement de 1996) énumérées à l’article L.1262-4 du code du travail (salaire minimal, durée du travail, règles relatives à la santé et à la sécurité, etc.), le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre doit, en cas d’alerte par un agent de contrôle, faire cesser la situation. Le non-respect de cette obligation de diligence est puni d’une sanction pénale contraventionnelle.
La loi
du 10 juillet 2014 a également institué une peine complémentaire
prononcée par un juge pénal en cas de condamnation pour travail
illégal de diffusion de cette condamnation sur un site internet.
Enfin,
la France espère que l’ensemble des autres pays européens iront
sur cette de voie de la responsabilité solidaire. Un membre souligne
alors qu’il faudrait évaluer l’impact de ces mesures sur la
compétitivité du tissu français par rapport à ses voisins.
D’autres
soulignent l’importance de l’inspection du travail dans le
processus, et s’inquiètent d’un manque de moyen humain. Anne
Thauvin mentionne la réforme en cours de l’inspection du travail,
avec notamment la mise en place de cellules régionales du travail
illégal qui vont permettre de lutter plus efficacement car
collectivement contre le travail illégal et les fraudes au
détachement."
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Crédit photo : Flickr fdecomite