C'était un très beau "storytelling" samedi soir, que celui de Rob
Hopkins à la Bellevilloise. A l'occasion du 12ème festival du livre et de la presse d'écologie, l'Anglais présentait la traduction de
son dernier livre « Ils changent le monde ! 1001
initiatives de transition écologique », qui sort ce mois-ci
aux éditions du Seuil. L'occasion d'en savoir un peu plus sur un
mouvement, celui des villes en Transition, qui propose de construire
localement un autre modèle de vivre ensemble.
Deux mots clef apparaissent sur
l'écran : « Inspirer » et « Changement ».
Au micro, c'est Rob Hopkins, connu pour son rôle de précurseur et
d'homme sandwitch (un sandwich peut être tout à fait être bon et
utile, non ?) du mouvement « Villes en transition ».
Quant à moi, après avoir écouté il y a quelques semaines au LH
Forum du Havre la maire de Totnes, après avoir coyoté les membres
de Paris 15ème en Transition lors de plusieurs Repair Café, j'étais
très curieux de découvrir l'English. Bien m'en a pris.
Un homme inspiré et drôle
Visage poupin presque halé, petites
lunettes, cheveux courts avec une houpette à la Tintin, Rob Hopkins
est un bon communiquant qui fait vite sourire l'auditoire, même en
parlant de choses sérieuses. Il débute son speech en se moquant
d'un dessin du journal anglais Times, lequel montre l'évolution de
l'humanité depuis le poisson jusqu'à la voiture, puis il expose les
quatre raisons qui justifient selon lui les villes en transition.
Quatre raisons pour une transition à
l'anglaise
Eh oui, vous vous en doutiez peut-être,
le changement climatique est la première raison. Le climat implique,
selon Rob Hopkins, de laisser 80% du carbone fossile sous terre. Il
reprend la thèse de nombreux scientifiques sur le sujet.
Deuxième raison, le modèle d'une
croissance économique sans limite est à ses yeux aberrant. Rob
Hopkins prend l'exemple d'un enfant (il en a 4) qui grandirait sans
s'arrêter en taille. C'est absurde ! La métaphore est trop
facile, mais elle passe assez bien quand il ajoute que ses enfants
pourraient tout à fait continuer de grandir, une fois une certaine
taille atteinte, mais en sagesse ou en bonheur. La transition vise à dépasser l'impasse d'un modèle de croissance du PIB à tout crin.
La troisième raison pour la transition
est de surmonter la « skewed economy » qui domine.
Skewed ? De travers, déséquilibré. Inégalitaire ? Rob
n'utilise pas ce dernier mot, ni celui de décroissance.... Mais la
transition vise clairement à plus d'équilibre et de partage.
Enfin quatrième argument de la
transition des villes : les énergies fossiles se raréfiant, il
faut rompre avant qu'il ne soit trop tard l'hyper dépendance avec le
pétrole et le gaz naturel.
Ceci étant posé, Rob Hopkins présente
à l'auditoire un diapo avec une image de zombie, histoire de
souligner que la société actuelle « est très forte pour
imaginer ou raconter notre déclin... Mais où sont les histoires qui
présentent un autre modèle positif et créatif de société ?
Apporter des nouveaux récit est très important ». Et
l'homme d'embarquer l'auditoire sur les réalisations concrètes des
villes en transition de par le monde. C'est l'objet de son livre :
montrer que la transition est un mouvement qui « mobilise
localement pour être plus heureux, plus résilient »,
sur les cinq continents.
Un arrêt de bus potager, une
monnaie locale
Le premier exemple extrait du livre est
celui de cet arrêt de bus à Londres qui accueille un potager.
Plusieurs « transitioners » se sont rendus compte qu'ils
fréquentaient le même arrêt de bus et ils ont alors décidé de
faire pousser des légumes sur les plate-bandes autour, en libre accès, explique Rob
Hopkins. Puis il enchaîne les exemples, de Sao Paulo, où un
bidonville transitionne vers moins de violence, à Paris (le Repair
café du 15ème) en passant par Bristol, dont le maire est payé en
monnaie locale complémentaire. Sans oublier Totnes, la ville
pionnière de la transition, et tous les projets centrés sur la
(re)vitalisation d'une économie locale et soutenable.
Car l'économie, dans la transition,
occupe une place clef. A Totnes, un centre,
le "Reconomy Center" , a été créé : il vise à soutenir et incuber des
entreprises locales, dans tous les domaines, énergie,
alimentation... Le centre organise aussi une fois par an un Forum de
l'économie locale, pour mettre en avant les entreprises
participantes. Bientôt, une de ces entreprises pourrait être
Tresoc, (Totnes Renewable Energy Society). Car c'est bien l'un des axes de la transitions, que de développer
une production d'énergie locale. « Nous avons inspiré la
nouvelle stratégie nationale sur l'énergie communautaire »,
précise Rob Hopkins, ce qui démontre d'après lui que la dynamique
de la transition est puissante.
Rêver, planifier, réaliser,
célébrer !
Au final qu'en retenir ? L'exposé
de Rob Hopkins et son dernier livre montrent un foisonnement
d'initiatives souvent disparates, pour lesquelles la
transition est un porte-drapeau. Elle « est la colle
qui donne la cohérence entre ces initiatives ». Pour que
le mouvement ne soit pas un épiphénomène local, chaque ville en
transition pourrait tout à fait incuber un noyau dur de 20 projets,
dont la monnaie complémentaire et la production d'énergie, ajoute
l'activiste.
Il conseille aussi aux collectifs des
« transitioners », et c'est très important à mon avis,
de prendre soin d'eux et d'éviter le burn-out. Comment ? En
appliquant la méthode « Dragon Dreaming » de John
Croft : pour tout projet, passez par quatre étapes : Rêver
(ou imaginer), planifier, faire, célébrer. Oui, célébrer. Viva la Transicion !
Le livre de Rob Hopkins :
Ils changent le monde!1001 initiatives de transition écologique
Paru le 16/10/2014 au Seuil (collection Anthropocène)
208 pages - 14.00 € TTC
Voir aussi sur les monnaies complémentaires, mon article sur ce blog :
La pêche de Montreuil se dévoile