jeudi 15 janvier 2015

Monptivoisinage.com : réseau social pour voisins

Depuis sa Bretagne natale, le nouveau site web Mon P'ti Voisinage vise large : « devenir l’un des réseaux sociaux les plus utilisés par les Français». Comment ? En regroupant les services de l'économie collaborative (BlablaCar, Deways, La Ruche qui dit oui...), en tant qu'agrégateur.



Mon P'ti Voisinage rebondit sur une idée lumineuse, déjà exploitée par Nathan Stern avec le site Peuplade : l'internet est un outil formidable pour créer du lien social de proximité. Vous ignorez que le partenaire idéal de vos randonnées, l'acheteur potentiel de votre chaîne hi-fi d'occasion ou le bricoleur prêt à vous aider se trouve dans la rue en face ? Inscrivez-vous sur une plateforme web pour découvrir les « pépites » cachées de votre voisinage ! Onze ans après la création de Peuplade en 2003 (un réseau que j'ai personnellement pratiqué avec des bonnes surprises, et qui annonce une version enrichie pour 2015...), le paysage a changé. La crise s'est installée, les smartphones et les services collaboratifs se sont multiplié : covoiturage, AMAP, etc. Les médias se sont emparés de cette veine d' «innovation positive » tandis qu'un think tank, OuiShare dédié à la nouvelle économie collaborative s'est créé. Le moment idéal pour David Rouxel ? Avec l'aide d'une équipe bretonne, cet entrepreneur trentenaire, expert en digital, a décidé de reprendre l'idée, à sa sauce. Lancée en février 2014, la plateforme Monptitvoisinage affichait fin 2014 plus de 3400 réseaux locaux créés et 10.000 inscrits, de Dinan à Paris en passant par Villeurbanne. Elle est aussi la première start-up de la « French Tech » bretonne à avoir décroché une bourse French Tech de BpiFrance.

Trois promesses : pratique, solidaire, générateur d'économie et de gains de temps
« L'objectif de notre plateforme est de répondre à un vrai besoin. On utilise les réseaux sociaux et on agrège des services axés sur le partage, l'entraide et la collaboration économique », explique David Rouxel, qui mêle le vocabulaire des start-up avec les termes collaboratifs. De fait, cet entrepreneur dynamique, ancien chef de projet chez Bouygues Telecom, et l'un des premiers ambassadeurs de BlablaCar (voir son interview publié ici prochainement), veut réunir le meilleur des deux mondes : réseaux sociaux + économie collaborative. Concrètement, son site est un réseau social où l'on peut échanger avec ses voisins et accéder à des services. La preuve par l'exemple.

Promenade sur Mon P'ti Voisinage
Je crée mon compte avec une double adresse (email et postale) et sans clic de confirmation j'obtiens un accès visiteur limité à 48h. Pour conserver cet accès, il faudra faire vérifier mon adresse physique, soit en géolocalisant ma connexion internet, soit en renvoyant une carte postale codée, que j'aurai préalablement reçue par la poste, ou par cooptation. C'est un gage de confiance. En attendant, il est déjà possible de découvrir ses voisins. Ils sont huit, depuis juin, dans mon quartier parisien, auxquels s'ajoutent 28 personnes de voisinage, c'est-à-dire un peu plus éloignées. Je peux déjà leur envoyer un message.

Je découvre aussi six groupes d'intérêt créés par ces voisins : garde chat, cours de guitare (qu'on imagine payants), rencontres, cuisine, cinéma à gogo, « stopmonop ». Jusque là, rien de nouveau sous le soleil de Peuplade.

Une des premières originalités de la plateforme est de proposer une section « Consommer local ». Trois catégories, pour l'instant, sont proposées : Amap, Ruche qui dit oui, Producteur local. Zéro producteur local dans mon quartier ? Tiens, il faudrait inscrire « La petite Cagette » , cette belle épicerie spécialisée en produits Ile-de-France, qui a ouvert en 2014 rue Popincourt, pas très loin de chez moi.

Le service propose aussi un agenda, dans lequel figure l'arrivée des nouveaux inscrits. Cette section me suggère d'organiser un « vide garage », sorte de vide grenier chez soi, tout à fait légal. Mais la vraie nouveauté, me semble-t-il, est dans les services plus.

Agrégateur de services de partage
Autopartage, « cocourse », covoiturage quotidien, financement participatif, ils sont au cœur du projet d'agrégation de services : Derrière chacun, un partenaire unique assure le service : Ulule, Deways, Cocource, wedrive. Mais à terme, l'idée est de regrouper la plupart de ces plateformes spécialisées, pour permettre par exemple à l'utilisateur d'accéder à tous les partageurs de voiture de son quartier, et pas seulement à ceux de Deways : une idée utile, si cela me permet d'identifier les meilleurs « partageurs » de voiture sans avoir à m'inscrire au préalable sur chaque plateforme...

Au vu de cette première visite, la plateforme est assez agréable et réussie, surtout si on prend en compte qu'elle a été créée sans financement externe. Et quels sont les services qui marchent le mieux ? Réponse de David Rouxel : tout ce qui touche au transport d'une part et aux achats groupés, en cette fin d'année (j'ai fait l'interview en décembre...), mais aussi les alertes entre voisins : j'ai perdu mon chat, ou on m'a raflé mes décorations de Noël, par exemple. Une des clefs est bien sûr la confiance, que seule la rencontre physique permettra de consolider... Anecdotique, ces services ? L'avenir le dira.

Modèle économique : agrégateur de services
« Le modèle sera celui de l'affiliation : nous prendrons une légère commission, sur l'utilisation ou sur l'inscription des services », explique David Rouxel. La plateforme restera gratuite, de même que les services de base, mais elle prélèvera une commission à BlaBlaCar ou à la Ruche qui dit Oui. Telle est l'ambition.

2015 sera une année cruciale puisque l'entreprise devra lever des fonds et développer ses partenariats. De nombreuses pistes sont à l'étude, comme des partenariats avec des bailleurs sociaux et des services construits avec et pour les collectivités locales. Déjà, des maisons de quartier utilisent le réseau, en tant qu'utilisateur « ambassadeur ». Au niveau de mon quartier, j'attends de recevoir la carte postale.



Quelques localités où le réseau est actif (à décembre 2014) :
Dinan & Quévert – Saint-Malo - Villeurbanne (Lyon) – Versailles – Blois – Saint-Brieuc – Rennes – Caen - Rouen




Prospectus proposé aux utilisateurs 



lundi 5 janvier 2015

Activisme : les victoires 2014


Aux Etats-Unis eBay et Google ont été obligés de quitter le lobby ALEC. En France la Société Générale a dû lâcher le projet Alpha Coal. Quant à Lego, le fabricant de jouets a terminé son partenariat avec Shell. Ce ne sont que trois exemples de grandes campagnes activistes qui ont réussi en 2014. Rétrospective.

Climat // eBay quitte l'American Legislative Exchange Council

Le 18 décembre, le patron d'eBay annonce que son entreprise cesse d'adhérer à l'American Legislative Exchange Council (ALEC). Motif : le lobby s'oppose à toute réglementation sur le changement climatique.



Créé en 1973, l'ALEC est un lobby qui regroupe environ 1800 parlementaires nord-américains et 200 grandes entreprises et juristes. Sa principale activité est de faire passer des propositions de lois, ou d'articles de loi, auprès des parlementaires des Etats, en cohérence avec trois principes : « gouvernement limité, libre marché, fédéralisme. » Mais de notoriété publique aux Etats-Unis, l'organisation diffuse un discours climato-sceptique et s'oppose à toute régulation sur le climat. D'après le patron de Google Eric Schmidt, l'ALEC «a menti littéralement sur le changement climatique ». Google a quitté l'ALEC peu de temps avant eBay, à l'automne 2014.

Le départ d'eBay et de Google signe la victoire des activistes de « Forecast the Facts ». Cette initiative web, qui se traduit littéralement par « Prévoir les faits », avait adressé plus de 100.000 signatures à eBay, le 18 décembre. Forecast the Facts est une émanation du Citizen Engagement Laboratory. Elle vise désormais AT&T, Verizon, FedEx et UPS. Avec un argument imparable : une entreprise responsable ne peut pas décemment mener une politique de décarbonisation de ses activités, afin de limiter ses émissions de CO2 (ce que ces entreprises font) tout en finançant parallèlement un lobby qui remet en cause la réalité du changement climatique.


Déforestation // Kellogg's s'engage sur l'huile de palme

Le 14 février 2014, Kellogg's dévoile une nouvelle politique d'achat sur l'huile de palme. Elle ne bannit pas l'huile controversée mais elle marque une véritable inflexion : l'entreprise s'engage à « s'approvisionner exclusivement en huile de palme avec traçabilité et produite sur un mode qui soit respectueux de l'environnement, socialement bénéfique et économiquement viable ». Outre le respect des principes RSPO (= huile certifiée durable), Kellogg's s'engage à protéger les forêts tropicales et les zones humides d'Asie.

On ne jugera pas ici de l'efficacité réelle de cette annonce : c'est un autre sujet. Mais contentons-nous de souligner qu'elle signifie la réussite des pressions mises sur Kellogg's par plusieurs organisations américaines. L'une d'entre elles, le projet Orangs , est une émanation de l'organisation des Scouts féminines (Girls Scouts USA, plus de 2 millions de membres). Orangs a été fondé par deux jeunes « passionnaria » Madison Vorva et Rhiannon Tomtishen en 2007. Après avoir créé une prise de conscience sur les liens entre huile de palme et déforestation des habitats d'orang outangs, au sein de l'organisation scout , les deux jeunes filles ont décidé de faire pression sur Kellogg's, premier producteur mondial de céréales matutinales et second producteur de cookies, une denrée dont les scouts raffolent.


« Nous communiquions avec le Directeur du développement durable de Kellogg's depuis 2012 et l'été dernier nous avons apporté 115.000 pétitions en partenariat avec SumOfUs, demandant à l'entreprise d'éliminer toute connexion avec la destruction de la forêt de Tony le Tigre, en lien avec les plantations d'huile de Palme ».


Investissement (ir)responsable // Société Générale se retire de la mine de charbon Alpha Coal

Le 5 décembre, un communiqué de presse de la Société Générale annonce que la Banque n'est « plus impliquée dans le projet Alpha Coal ». Victoire pour les activistes de Bizi ! , des Amis de la Terre et d'Attac, qui menaient campagne, certains depuis plusieurs années, contre le projet de mine de charbon en Australie. La Société Générale n'avait pas encore accordé de financement, mais elle assurait une prestation de conseil financier pour le promoteur de la mine, la co-entreprise indo-australienne GVK-Hancock. Le projet continuera, sans la banque française.

Situé sur le littoral du Queensland, Alpha Coal est un projet de mine de charbon pharaonique, dont l'impact sur l'environnement et les émissions de CO2 seront, s'il est mené à terme (et en prenant en compte les émissions de CO2 dans les centrales électriques indiennes), considérables. D'où l'opposition des trois organisations non gouvernementales. 

 

Ces derniers mois, l'organisation basque Bizi ! s'était distinguée en organisant des « picketing », c'est-à-dire des occupations non violentes de succursales Société Générale. Son message avait été renforcé par le retour de la question climatique dans les médias, sur fond de conférences onusiennes : COP20 à Lima et COP21 prévue à Paris.
Tant le mode d'action (incluant des « picketing ») que l'objectif (briser le contrat entre une banque française et un industriel asiatique) font de cet événement une première.


Pétrole arctique : Lego se fâche (presque) avec Shell

« Lego met fin à 50 ans de relations avec Shell », claironne Greenpeace le 9 octobre 2014. La veille, Jørgen Vig Knudstorp, le président du fabricant de jouet, a annoncé que son entreprise ne renouvellerait pas son contrat de co-promotion avec Shell, un contrat qui se traduisait par la présence du logo du pétrolier sur des jouets Lego et leur distribution en stations service.


La décision marque la victoire d'une campagne éclair de Greenpeace. Trois ans après sa campagne contre Mattel et Barbie sur la déforestation, l'ONG a frappé fort avec une vidéo diablement efficace, qui dépeint une marée noire dans l'océan Arctique. Contrairement à Total, Shell continue en effet d'envisager d'exploiter le pétrole dans cette zone du globe, alors que les risques environnementaux y sont particulièrement élevés. La vidéo avait été vue par plus de 6 millions de personnes, parmi lesquels plus d'un million avaient envoyé un email à Lego.


Campagne Detox : Lidl s'engage sur les molécules toxiques

Greenpeace toujours. Le 10 décembre, Lidl, deuxième chaîne de supermarchés discount au monde, répond à la campagne Detox de l'ONG en s'engageant à éliminer toutes les substances chimiques dangereuses de sa production textile d'ici au 1er janvier 2020. L'engagement de Lidl est conséquent : en Allemagne, la chaîne est devenue l'un des 10 principaux vendeurs de vêtements du pays, avec plus d'un milliard d'euros réalisés chaque année.

Conformément aux suggestions de Greenpeace , Lidl a publié un engagement très détaillé avec un calendrier d'actions progressives, de 2015 à 2020. L'entreprise ajoute une liste de onze molécules chimiques à bannir en priorité. En fait, cette annonce n'est que la dernière d'une longue série, qui a vu Puma, Adidas ... s'engager tour à tour, au rythme des rapports d'enquête effectués par l'ONG en Chine et en Europe. Le dernier rapport Detox, publié à l'été 2014, pointait la présence de nombreuses substances toxiques (phtalates, etc) dans plusieurs chaussures, T-shirts et autres vêtements vendus en Allemagne.

De quoi ces « succès » sont-ils le nom ?
Ces cinq réussites ne sont pas les seules, aux Etats-Unis par exemple, un projet de terminal charbonnier dans l'Oregon a été bloqué en août 2014, conformément au souhait de plus de 20.000 Nord-américains, qui avaient fait pression sur le gouverneur.

Mais quelle leçon peut-on tirer de toutes ces campagnes ? Un premier fait saute aux yeux : les causes qui ont gagné étaient environnementales, et non pas sociales ou financières. Pourtant, des campagnes existent sur des thèmes de justice sociale. Elles mobilisent moins.

C'est le cas par exemple de la campagne pour garantir un salaire vital aux ouvrier-e-s textiles d'Asie qui fournissent les multinationales. Cette campagne internationale pour un « Asian floor Wage » existe depuis 2007. En France, elle est portée par le collectif Ethique sur l'étiquette, un collectif qui regroupe la CFDT et le CCFD. Sans grand succès apparent à ce jour. Peut-être que les objectifs, tels qu'ils sont conçus, sont moins lisibles, ou bien la sensibilité du public est plus faible.

Quant aux « causes » financières, il ne semble pas y avoir eu de campagne significative là-dessus en 2014. Rien par exemple, pour pousser les multinationales à abandonner l'optimisation fiscale.