mercredi 13 novembre 2013

La Pêche de Montreuil se dévoile dans le 20ème

 Le 10 novembre, des créateurs de la nouvelle monnaie locale de Montreuil, la « Pêche », présentaient leur projet à Paris, dans le 20ème. Avec l'idée de planter une graine de l'autre côté du périph. Le terrain y est favorable.

Une heure de l'après-midi à l'angle de la rue Vitruve et de la place de la Réunion, dans le 20ème arrondissement de Paris. C'est jour de marché et les commerçants sont encore en train de servir sur la place, mais en ce dimanche du mois de l'Economie sociale et solidaire (ESS), l'oeil est attiré par des barnums blancs inhabituels. Une dizaine d'associations parisiennes, les Petits Débrouillards, les antennes locales de Môm'artre, Disco Soupe ou encore le club d'épargne solidaire Cigales, ont répondu présent à l'invitation du réseau d'échanges Coud à Coud, qui a organisé cette « Fête des échanges / Système D ». A cette heure de la journée les appétits se creusent, fouettés par le vent frais d'automne et c'est le stand des Disco Soupe, animé par sa joyeuse équipe, qui fait l'ambiance. Dans l'énorme soupière, il ne reste plus que les miettes du pain pour râcler le fond. A deux pas une autre soupière bouillonne et il reste de quoi faire avec la salade, concoctée elle aussi avec les légumes frais, sauvés de la poubelle des supermarchés voisins. La jeune fille qui sert est là pour la première fois, quant aux passants ils découvrent, étonnés, ce concept de cuisine participative gratuite qui fait la chasse au gaspi tout en rameutant le convivial. En face, une autre association propose un maffé pour les affamés, tandis qu'ailleurs des enfants s'adonnent à la peinture ou jouent aux échecs. Une belle ambiance.


Mais de l'autre côté de la fête, sur le stand de l'association éssé 20è, c'est un fruit d'un autre genre qui suscite mon intérêt : la pêche de Montreuil, nouvelle monnaie locale et complémentaire de la ville d'à-côté. Les monnaies complémentaires auraient-elles finalement trouvé leur époque et leur public ? Mais d'abord, que fait-elle à Paris, cette jeune pousse montreuilloise ? A peine créée elle veut essaimer ! «Oui, il suffirait d'une vingtaine de personnes motivées pour aller convaincre les commerçants, et on aurait ainsi la même monnaie locale des deux côtés du périph ! », argumente Marc Abel, l'un des dix « pêchus », les membres fondateurs du projet à Montreuil, venu présenter la monnaie aux Parisiens du 20ème. Bien que la Pêche soit encore au stade du projet, elle arrive portée par un intérêt nouveau des collectivités locales et des médias, (inimaginable il y a cinq ans). Alors qu'à Paris un autre projet de monnaie locale serait dans les limbes via l'association Paris des Faubourgs, dans le 20ème la Pêche a déjà suscité l'intérêt de plusieurs associations, comme éssé 20è. Une bonne graine, on vous disait.



La Pêche pour quoi faire ?
Les statuts de la nouvelle association spécifient trois buts à la nouvelle monnaie :
  • « remettre l’économie locale au service du social et de l’humain, au lieu d’une économie globale qui incite simplement à la spéculation et à la consommation.
  • établir un fonctionnement démocratique qui favorise son large développement à partir des bonnes pratiques des monnaies locales existantes.
  • favoriser, à partir de Montreuil, la diffusion de cette monnaie locale dans la région Ile-de-France. »

A l'origine de la Pêche, « Montreuil en transition »
En France, il existe désormais une vingtaine de monnaies locales complémentaires (MLC). Certaines sont soutenues activement par la puissance publique, comme la Sol Violette de Toulouse (2011) ou la Galléco de Rennes (2013). D'autres, plus indépendantes, sont créées par des associations proches des mouvements écologistes, comme l'Abeille de Villeneuse-sur-Lot, une monnaie fondante qui regroupe plus de 130 entreprises affiliées, ou par des mouvements régionalistes, comme la monnaie basque Eusko, qui compte près de 500 prestataires.

A Montreuil, un projet avait été lancé en 2008, il a fait long feu. En 2012 le collectif « Montreuil en transition », affilié au mouvement des villes en transition a relancé le projet et suscité l'engagement d'une équipe, laquelle a créé une association dédiée, en septembre 2013. Son objet ? Lancer et gérer la monnaie locale complémentaire à Montreuil puis autour en Ile-de-France. L'équipe, qui escompte une subvention de la mairie de Montreuil, vient d'obtenir 50.000 euros du Conseil Régional d'Ile-de-France, dans le cadre d'un appel à projets innovants ouvert aux monnaies locales.

Les traits distinctifs de la Pêche
  • elle est sur support papier (billets convertibles en euros) : c'est plus pédagogique, plus visible. Une version électronique ? Elle pourrait venir en deuxième phase, anticipe Marc Abel.
  • Non fondante : comme toutes les monnaies locales, la Pêche est destinée à circuler et à favoriser l'échange (et non la spéculation ni la rente) et dans cette optique elle pourrait être « fondante », c'est-à-dire perdre de sa valeur au fil du temps pour stimuler l'usage. Mais la fonte est plus facile à gérer quand la monnaie est électronique et sera mise en place, sans doute, dans un deuxième temps.
  • Elle est pro-associative : lors d'une conversion de la monnaie en euros, 3% sont prélevés au bénéfice d'une association locale affiliée (et 2% au bénéfice de l'association la Pêche, pour ses frais de gestion).

L'innovation sociale qui bouillonne
A discuter avec Marc Abel, un informaticien qui a découvert l'économie sociale et solidaire (ESS) via les motards en colère et qui est à l'origine de la cartographie du site http://peche-monnaie-locale.fr/ , un constat jaillit : la pêche elle bouillonne, comme la soupe des Disco ! Plein de projets et d'idées, à court et moyen terme, l'envie de créer un premier emploi "qui ne soit pas jetable" et un effet réseau indéniable. « On a piqué les bonnes idées là où il y en avait », raconte Marc, qui revient de Dinan, où se sont tenues les rencontres nationales sur les MLC. 

Quel seuil critique ?
Pour qu'une monnaie locale puisse durer, une centaine de familles et une trentaine d'entreprises participantes seraient suffisantes, à en juger par l'expérience de Villeneuve-sur-Lot. Si peu ? Ces monnaies sont locales et cela n'a pas de sens de prendre sa voiture pour aller aux assemblées générales, explique sans fard le motard. Le but n'est pas non plus de se passer de l'euro, ni de convaincre la ville entière, mais il s'agit de changer notre rapport à l'argent et aux échanges. A défaut de changer le monde, se changer soi-même...

A Montreuil-sous-bois, une trentaine de commerces ou professionnels devraient avoir signé au moment du lancement, début décembre. Et à Paris ? Affaire à suivre.


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