mercredi 27 novembre 2013

Crowdfunding - Axa et Stéphane Courbit s'associent

 Après la Banque Postale, partenaire de KissKissBankBank et BNP Paribas mécène d'Ulule, c'est au tour d'Axa de se lancer dans le mécénat version financement participatif ("crowdfunding"). Mais contrairement à la marque jaune, l'assureur se limite aux projets solidaires et choisit My Major Company, une plateforme détenue à 50% par le parrain de la téléréalité française et des paris en ligne, Stéphane Courbit. Signe d'un changement d'échelle du crowdfunding ?




« Tous solidaires ! Tous les mois, AXA vous propose de voter pour vos projets préférés. Les trois projets arrivés en tête des votes bénéficieront d’un soutien financier d’AXA pouvant aller jusqu’à 60 % du besoin de financement». Annoncé le 20 novembre par un communiqué de presse au titre fanfaronnesque, AXA France réinvente les codes du mécénat par le biais du crowdfunding, ce nouveau partenariat confirme l'attrait en hausse du crowdfunding (financement participatif sur internet), y compris chez les grosses entreprises. Dans ce cas précis, le crowdfunding est un don, voir un don/contre don et non un prêt. Un acte de générosité, donc qui génère du business ? Oui, et de la bonne réputation (image) pour les entreprises mécènes.

KissKissBankBank, propulsé par les entreprises
Dès juin 2011, la plateforme française KisskissBankBank (KKBB), l'une des pionnières du don participatif (voir l'interview de Vincent Ricordeau dans le nouveau magazine Socialter), franchissait un cap en signant le premier partenariat du crowdfunding français avec une grande entreprise, la Banque Postale : depuis, la Banque sélectionne chaque mois un projet parmi une sélection « Coup de Coeur » sur le site KKBB, qu'elle soutient à hauteur de 50% de son objectif de collecte de fonds. Un beau coup de pouce.
Par la suite, KKBB a développé les partenariats de ce type avec toutes une série d'entreprises, de MK2 à Samsung, avec l'idée que le partenaire, appelé « mentor », aidera des projets proches de son coeur d'activité, y compris après la collecte de fonds. Par exemples certains courts-métrages sont projetés dans les salles MK2. Pour le porteur de projet, c'est bath !

Le mécénat participatif » d'Axa : du local et du solidaire
Dans le cas d'Axa, la logique est proche, mais distincte, comme me l'expliquait Céline Soubranne, la responsable RSE (Responsabilité sociale d'entreprise) de l'assureur : il s'agit d'aider exclusivement des projets « solidaires » (1), contrairement à la Banque Postale qui peut aider des projets purement  créatifs (2). Dans cette optique, c'est l'entreprise sociale Farinez-vous (une boulangerie en insertion) qui vient d'être sélectionnée au lancement du projet. Au total, 36 projets à utilité sociale seront soutenus, à raison de 3 par mois pendant un an et ce sont les internautes qui les choisiront : chaque mois les trois projets ayant reçu le plus de vote des internautes obtiendront entre 60% et 30% de leur demande de financement, directement d'Axa.

Mymajorcompany, un ancien du crowdfunding et un jeunôt de la solidarité
Pour monter cette initiative, AXA a mis 150.000 euros sur la table et s'est associée à My Major Company. Détenue à 50% par Stéphane Courbit, ancien directeur d'Endemol France (qui introduisit l'émission Loft story dans l'hexagone) et gros actionnaire de Bet Clic (poker en ligne basé à Malte), Mymajorcompany est un « vétéran » du financement participatif, créé en 2007,  mais un petit dernier du crowdfunding solidaire : jusqu'en 2012 l'entreprise se concentrait sur la co-production de chanteur.ses et ce n'est que récemment qu'elle a rejoint la vague du crowdfunding toutes catégories, de A comme Animaux à T comme Terroirs en passant par H comme humour et E comme Evasion fiscale.

Pardon, R comme réduction fiscale (restaurer les châteaux et autres bonnes oeuvres).

Et la vague solidaire ? « Quand nous les avons rencontré il y a neuf mois il étaient très contents car ils cherchaient à développer cette activité », précise Céline Soubranne, qui a donc permis au site d'ajouter « Axa Partager Protéger» à la liste des 32 catégories du site MMC. L'initiative s'appuie aussi sur un mini-site dédié, partagerproteger.axa.fr qui devrait être le vaisseau amiral de la « com », du côté de l'assureur.

Pour le porteur de projet, une aubaine ?
Alors que le régulateur français a récemment clarifié le cadre du crowdfunding et que les plateformes continuent de se multiplier à l'instar de Bulbintown (soutien à des projets hyperlocaux) ou de celle lancée par la coopérative éthique la NEF à Lyon, le partenariat entre Axa et Mymajorcompany confirme l'attrait du crowdfunding. Faut-il se réjouir de cet engouement, ou s'en effrayer ? Pour le porteur de projet cette pluralité augmente en théorie ses chances de se financer : pourquoi pas un appel à financement par an, à chaque fois sur une plateforme différente ? A supposer bien sûr que les Français ne se lassent pas de ce nouveau canal de générosité, autrement dit, que le « marché » de la générosité participative soit en hausse durable.

Le crowdfunding, un nouvel outil du consumérisme
Car c'est bien d'un marché qu'il s'agit, du moins pour certains de ses acteurs. Dans la lignée du « charity business », le crowdfunding pourrait devenir un vecteur de « consommation » philanthropique. C'est ce que laisse penser cette interview du directeur général de Mymajorcompany, Stéphane Bittoun.

Voici ce que Stéphane Bittoun, ancien directeur financier de la société de téléréalité Endemol, déclarait en janvier 2013 : « Notre pari c’est que le financement participatif continue de prendre une part de plus en plus importante dans les habitudes de consommation des Français et qu'à l’instar de ce qui se passe Outre-Atlantique une part significative du financement de la création en Europe soit directement apportée à travers notre système par le grand public » (cité par lepetitjournal, 22 janvier 2013).

Laissons le patron de Mymajorcompany continuer :
« L’Internaute MMC est avant tout une personne désireuse d’apporter sa collaboration à un projet et de participer à sa réalisation, à hauteur de ses moyens. Nombreux à être satisfaits, ces e-acheteurs constituent ainsi la deuxième richesse de My Major Company : une audience qualitative, attentive et fidèle qui passe en effet, 11 minutes en moyenne par session sur le site et visite environ 10 pages à chaque visite. Selon une enquête interne, 77% des ces contributeurs ne misent que sur un projet, on en jugera donc qu’il s’agit de leur "coup de cœur". La communauté est composée de près de 300.000 membres, au panier moyen de 50 euros et 4,5 millions de pages vues par mois. »

Et si à terme, Mymajorcompany devenait l'Amazon du crowdfunding ?
Et c'est ainsi que les hommes vivent.


Ajouté le 12/12/13 : Pour continuer le débat, ces deux autres questions :
- Les plateformes de crowdfunding sont-elles assez transparentes sur leur gestion financière ?

- Est-ce qu'il serait normal, d'un point de vue éthique, qu'une plateforme de crowdfunding se revende, en 2015, comme une start-up, avec une juteuse plus-value pour ses fondateurs ?

Note 1 - « Parce que la protection (?) et le développement solidaire sont l’affaire de tous, AXA vous propose chaque mois de soutenir vos projets favoris » (site partagerproteger.axa.fr)

Note 2 -  Alors que le partenariat Banque Postale / KKBB est du sponsoring, celui entre Axa et My Major Company est du mécénat : il finance donc exclusivement des projets d'intérêt général, et les dons sont déductibles des impôts pour Axa (note ajoutée le 28.11)

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