Après la Banque Postale, partenaire
de KissKissBankBank et BNP Paribas mécène d'Ulule, c'est au tour
d'Axa de se lancer dans le mécénat version financement participatif ("crowdfunding"). Mais
contrairement à la marque jaune, l'assureur se limite aux projets
solidaires et choisit My Major Company, une plateforme détenue à
50% par le parrain de la téléréalité française et des paris en ligne, Stéphane
Courbit. Signe d'un changement d'échelle du crowdfunding ?
« Tous solidaires ! Tous les
mois, AXA vous propose de voter pour vos projets préférés. Les
trois projets arrivés en tête des votes bénéficieront d’un
soutien financier d’AXA pouvant aller jusqu’à 60 % du besoin de
financement». Annoncé le 20 novembre par un communiqué de presse au titre
fanfaronnesque, AXA France réinvente les codes du mécénat par
le biais du crowdfunding, ce nouveau partenariat confirme
l'attrait en hausse du crowdfunding (financement participatif sur
internet), y compris chez les grosses entreprises. Dans ce cas précis, le crowdfunding est un don, voir un don/contre don
et non un prêt. Un acte de générosité, donc qui génère du
business ? Oui, et de la bonne réputation (image) pour les
entreprises mécènes.
KissKissBankBank, propulsé par les
entreprises
Dès juin 2011, la plateforme française
KisskissBankBank (KKBB), l'une des pionnières du don participatif
(voir l'interview de Vincent Ricordeau dans le nouveau magazine
Socialter), franchissait un cap
en signant le premier partenariat du crowdfunding
français avec une grande entreprise, la Banque Postale : depuis, la
Banque sélectionne chaque mois un projet parmi une sélection « Coup
de Coeur » sur le site KKBB, qu'elle soutient à hauteur de 50%
de son objectif de collecte de fonds. Un beau coup de pouce.
Par la suite, KKBB a développé les
partenariats de ce type avec toutes une série d'entreprises, de MK2
à Samsung, avec l'idée que le partenaire, appelé « mentor »,
aidera des projets proches de son coeur d'activité, y compris après
la collecte de fonds. Par exemples certains courts-métrages sont
projetés dans les salles MK2. Pour le porteur de projet, c'est
bath !
Le mécénat participatif »
d'Axa : du local et du solidaire
Dans
le cas d'Axa, la logique est proche, mais distincte, comme me
l'expliquait Céline Soubranne, la responsable RSE (Responsabilité
sociale d'entreprise) de l'assureur : il s'agit d'aider
exclusivement des projets « solidaires » (1),
contrairement à la Banque Postale qui peut aider des projets
purement créatifs (2). Dans cette optique, c'est
l'entreprise sociale Farinez-vous
(une boulangerie en insertion) qui vient d'être sélectionnée au
lancement du projet. Au total, 36 projets à utilité sociale seront soutenus, à raison
de 3 par mois pendant un an et ce sont les internautes qui les
choisiront : chaque mois les trois
projets ayant reçu le plus de vote des
internautes obtiendront entre 60% et 30% de leur demande de
financement, directement d'Axa.
Mymajorcompany, un ancien du
crowdfunding et un jeunôt de la solidarité
Pour monter cette initiative, AXA a mis 150.000 euros sur la table et s'est associée à My Major Company. Détenue à 50% par Stéphane Courbit, ancien directeur d'Endemol France (qui introduisit l'émission Loft story dans l'hexagone) et gros actionnaire de Bet Clic (poker en
ligne basé à Malte), Mymajorcompany est un « vétéran » du
financement participatif, créé en 2007, mais un petit dernier du
crowdfunding solidaire : jusqu'en 2012 l'entreprise se
concentrait sur la co-production de chanteur.ses et ce n'est que
récemment qu'elle a rejoint la vague du crowdfunding toutes
catégories, de A comme Animaux à T comme Terroirs en passant par H
comme humour et E comme Evasion fiscale.
Pardon, R comme réduction
fiscale (restaurer les châteaux et autres bonnes oeuvres).
Et la vague solidaire ? « Quand nous les avons rencontré il y a neuf mois il étaient très contents car ils cherchaient à développer cette activité », précise Céline Soubranne, qui a donc permis au site d'ajouter « Axa Partager Protéger» à la liste des 32 catégories du site MMC. L'initiative s'appuie aussi sur un mini-site dédié, partagerproteger.axa.fr qui devrait être le vaisseau amiral de la « com », du côté de l'assureur.
Pour le porteur de projet, une
aubaine ?
Alors
que le régulateur français a récemment clarifié le cadre du
crowdfunding et que les plateformes continuent de se multiplier à
l'instar de Bulbintown (soutien à des projets hyperlocaux) ou de celle lancée par la
coopérative éthique la NEF à Lyon, le partenariat entre Axa et
Mymajorcompany confirme l'attrait du crowdfunding. Faut-il se réjouir
de cet engouement, ou s'en effrayer ? Pour le porteur de projet
cette pluralité augmente en théorie ses chances de se financer :
pourquoi pas un appel à financement par an, à chaque fois sur une
plateforme différente ? A supposer bien sûr que les Français
ne se lassent pas de ce nouveau canal de générosité, autrement
dit, que le « marché » de la générosité participative
soit en hausse durable.
Le crowdfunding, un nouvel outil du
consumérisme
Car c'est bien
d'un marché qu'il s'agit, du moins pour certains de ses acteurs.
Dans la lignée du « charity business », le crowdfunding
pourrait devenir un vecteur de « consommation »
philanthropique. C'est ce que laisse penser cette interview du
directeur général de Mymajorcompany, Stéphane Bittoun.
Voici
ce que Stéphane Bittoun, ancien directeur financier de la
société de téléréalité Endemol, déclarait en janvier 2013 :
« Notre pari c’est que le financement participatif continue
de prendre une part de plus en plus importante dans les habitudes de
consommation des Français et qu'à l’instar de ce qui se passe
Outre-Atlantique une part significative du financement de la création
en Europe soit directement apportée à travers notre système par le
grand public » (cité
par lepetitjournal, 22 janvier 2013).
Laissons le patron de Mymajorcompany
continuer :
« L’Internaute MMC est avant
tout une personne désireuse d’apporter sa collaboration à un
projet et de participer à sa réalisation, à hauteur de ses moyens.
Nombreux à être satisfaits, ces e-acheteurs constituent ainsi la
deuxième richesse de My Major Company : une audience qualitative,
attentive et fidèle qui passe en effet, 11 minutes en moyenne par
session sur le site et visite environ 10 pages à chaque visite.
Selon une enquête interne, 77% des ces contributeurs ne misent que
sur un projet, on en jugera donc qu’il s’agit de leur "coup
de cœur". La communauté est composée de près de 300.000
membres, au panier moyen de 50 euros et 4,5 millions de pages vues
par mois. »
Et si à terme,
Mymajorcompany devenait l'Amazon du crowdfunding ?
Et c'est ainsi que les hommes vivent.
Ajouté le 12/12/13 : Pour continuer le débat, ces deux autres questions :
- Les plateformes de crowdfunding sont-elles assez transparentes sur leur gestion financière ?
- Est-ce qu'il serait normal, d'un point de vue éthique, qu'une plateforme de crowdfunding se revende, en 2015, comme une start-up, avec une juteuse plus-value pour ses fondateurs ?
Ajouté le 12/12/13 : Pour continuer le débat, ces deux autres questions :
- Les plateformes de crowdfunding sont-elles assez transparentes sur leur gestion financière ?
- Est-ce qu'il serait normal, d'un point de vue éthique, qu'une plateforme de crowdfunding se revende, en 2015, comme une start-up, avec une juteuse plus-value pour ses fondateurs ?
Note 1 - « Parce que la protection (?) et le développement solidaire sont l’affaire de tous, AXA vous propose chaque mois de soutenir vos projets favoris » (site partagerproteger.axa.fr)
Note 2 - Alors que le partenariat Banque Postale / KKBB est du sponsoring, celui entre Axa et My Major Company est du mécénat : il finance donc exclusivement des projets d'intérêt général, et les dons sont déductibles des impôts pour Axa (note ajoutée le 28.11)
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