mercredi 29 mai 2013

Galice espagnole : la réouverture des mines d'or fait scandale

L'Europe s'acheminerait-elle vers la réouverture de ses vieilles mines d'or ? Au nord de l'Espagne, une entreprise canadienne est sur le point de réactiver une mine déjà exploitée, il y a 2000 ans, par les Romains. Mais une vidéo virale et une pétition sur change.org pourraient bien torpiller le projet. D'autres projets de mines sont à l'étude, en Galice et au Portugal.


Depuis le 21 mai, la vidéo connaît un succès viral sur internet. 345.000 vues en à peine une semaine. « Sauvons la Galice de la mégamine ! », ne fait pas dans la dentelle : la mine sévère, sur fond noir c'est de circonstance, des acteurs et « people » galiciens assènent : « Quelque chose de très grave est en train de se passer en Galice. Et peu de gens le savent. La Galice ouvre ses portes à des multinationales étrangères, pour se convertir en une grande mine à ciel ouvert. Des millions d'euros, oui, mais pour quelques uns seulement. Nous Galiciens, n'en retirerons que dévastation, pauvreté et quelques emplois précaires qui disparaîtront dans quelques années... Des mégaprojets pharaoniques, qui s'installeront à quelques mètres de réserves naturelles ». Et la vidéo se fait précise, accusatrice : « le projet le plus important est la mine de Corcoesto, où seront extraits 34 tonnes d'or ».

 

Corcoesto, l'or depuis les Romains
A Corcoesto, tout à recommencé en juillet 2010, quand Edgewater , une « start-up » minière créée un an plus tôt à Vancouver pour exploiter des mines de taille moyenne, a racheté la concession à Lundin Mining Corporation, elle-même canadienne. L'acquisition faisait suite au rachat partiel (à 45,9%) d'une mine d'or au Ghana, qui reste à ce jour le seul autre actif d'Edgewater. A l'époque en 2010, l'or est au plus haut et les fins limiers doivent se dire qu'ils font une affaire juteuse en Espagne. « Le projet a une infrastructure excellente, incluant un accès par route pavée et à l'électricité, via une ligne à 22 Kv qui traverse la propriété. Le site de Corcoesto consiste en trois concessions d'exploitation sur 774 hectares », précise le communiqué qui annonce l'opération. Contrairement aux esclaves des Romains et aux mineurs du 19ème siècle, qui ont utilisé des galeries souterraines, Edgewater prévoit une exploitation à ciel ouvert, pour extraire au total 323 000 onces d'or, soit 9140 kilos (chiffre de 2010), jusqu'en 2028. Ces chiffres ont ensuite été gonflés puisqu'Edgewater annonce désormais une production de 102.000 onces, soit 2900 kg d'or, par an.

Pharaonique, Corcoesto ? C'est plutôt un projet de taille moyenne, si on le compare aux mines d'Amérique du Sud et le site, en phase d'exploitation, ne devrait créer que 188 à 270 emplois directs, et 1600 emplois pendant la phase de mise en place. Aux yeux du gouvernement régional, la « Xunta » de Galice, du syndicat USO, le troisième plus gros syndicat d'Espagne, et de plusieurs élus locaux, comme le maire de la commune voisine de Cabanas de Bergantiños, José Muíño Domínguez, ces emplois sont suffisants, avec les garanties apportées par l'étude d'impact, pour justifier l'autorisation d'exploitation. Tous ont donc salué le feu vert donné au projet par le ministère de l'environnement, le 17 décembre 2012.

La Société Galicienne d'Histoire Naturelle, fer de lance
Mais comme on s'en doute cette décision ne fait pas que des heureux, à commencer par la Société Galicienne d'Histoire Naturelle (SGHN), qui a pris la tête de la contestation. Pour cette association scientifique de protection de l'environnement, l'une des plus anciennes d'Espagne, la mine d'or est avant tout « une menace pour la santé et les écosystèmes », du fait de l'utilisation du cyanure, qui va générer 8400 tonnes d'arsenic, et du dynamitage de la zone, qui crééra 17 millions de tonnes de déchets. Depuis peu, Corcoesto n'est plus la seule cible des écologistes : car une autre entreprise canadienne, Goldquest, fait aussi la une des médias galiciens pour avoir obtenu une autorisation d'exploration minière, dans une zone située à cheval sur deux « réserves de la biosphère » de l'Unesco (Río Eo-Oscos-Burón y Terras do Miño). Ces territoires contiennent de nombreuses espèces protégées, s'inquiète Serafín González Prieto de la SGHN, qui recense au total une dizaine de projets miniers à l'étude en Galice, dans les métaux précieux. Pour stopper cette vague d'industrie primaire, le directeur de la SGHN a lancé une pétition sur change.org qui connaît un franc succès, avec 170.000 signatures (au 29 mai). Après avoir convaincu la belle Sabela Aran, Carlos Blanco et autres célébrités galiciennes, la SGHN vient de rallier le patron du PS en Galice, Pachi Vázquez, qui déclare dans El Pais que la mine est une "autentica barbaridad" (intraduisible, et si...castillan !).

Jusqu'à présent, la contestation n'a pas débouché sur des actions à grande échelle sur le terrain, mais une première manifestation à Santiago (Saint Jacques de Compostelle) est annoncée pour ce dimanche (2 juin). Avant des occupations ? La Galice, plus que les autres régions d'Espagne, est sensibilisée aux risques écologiques, pour avoir été victime de la marée noire du Prestige, en 2002 et l'expérience acquise par les activistes, lors des mouvements Occupy et autres Indignados, pourrait bien élargir la contestation au delà de la Galice.

George Salamis, golden boy
Sur le site d'Edgewater, son actuel président, George Salamis, un brillant géologue diplômé de Polytechnique Montréal, fort de « 20 ans d'expérience dans la mine », est crédité d'avoir « joué un rôle intégral (...) dans plusieurs fusions et acquisitions pour des montants excédant un milliard de dollars et dans des initiatives financières significatives, puisqu'il a levé 800 millions de dollars auprès d'investisseurs ». Edgewater, qui n'a pas encore vendu une once d'or, pourrait bien se révéler le projet le plus délicat de sa carrière de golden boy.


Crédit photo : Brookiron / Viméo

1 commentaire:

  1. Mise à jour :

    En juillet, le gouvernement de Galice a bloqué (temporairement?) le projet après avoir estimé qu'il ne respectait pas les exigences techniques et environnementales. Il a demandé des précisions écrites supplémentaires à Mineira de Corcoesto (la filiale espagnole d'Edgewater). Il lui a aussi été demandé de justifier d'au moins 25% du montant de l'investissement nécessaire, en fonds propres, soit 27 millions d'euros (source : La opinion A Coruna)

    La documentation demandée a été reçue en août, selon le même gouvernement de la région galicienne, qui était en train de les examiner, à la fin du mois d'août (source : idem).

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