Depuis avril 2014, les chômeurs
anglais de longue durée sont obligés de travailler gratuitement
pour une association. Sinon ils perdent leurs indemnités chômage
(Assedic). En plus d'être inefficace, ce programme fragiliserait le
bénévolat, estiment les associations anglaises. De l'Armée du
Salut à Oxfam, 350 d'entre elles ont décidé de boycotter
l'initiative du gouvernement Cameron.
Job Centre Plus : les Pôle emploi à l'anglaise (photo : BBC)
Gardons le volontariat
volontaire ! « Keep Volunteering voluntary !». C'est par ce mot d'ordre que le secteur associatif
anglais entend lutter contre le dernier avatar du « workfare »
anglo-saxon. Le workfare ? Le mot désigne les politiques
publiques où « les personnes sans emploi ou les personnes
handicapées sont obligées de travailler pour continuer de toucher
leurs allocations ». Depuis le 28 avril 2014, les chômeurs
anglais de longue durée sont directement concernés par une telle politique
: c'est le programme de travail communautaire, « Community Work
Placement » ou CWP pour les intimes. Ce programme prévoit de les faire travailler gratuitement dans une association. Seul hic pour le gouvernement, une partie du monde associatif a décidé de le boycotter.
Aide au travail : 3 options
En fait, le nouveau CWP est l'une des trois
options laissées à toute personne inscrite dans un « jobcenter »
(pôle emploi ou équivalent confié au privé) depuis 2 ans : il/elle a désormais le choix entre se présenter
tous les jours à son agence, débuter une formation, ou sinon :
travailler « volontairement » 6 mois, 30 heures par
semaine, pour une association. S'il ne respecte pas une de ces trois options, la personne verra ses allocations chômage suspendues : 4 semaines la première fois, puis 13 semaines.
Le CWP s'inscrit dans un programme plus large, intitulé Aide au travail (« Help to work »). Sur 200.000 chômeurs de longue durée, l'objectif du gouvernement est d'en placer 60.000 auprès d'associations partenaires.
Le CWP s'inscrit dans un programme plus large, intitulé Aide au travail (« Help to work »). Sur 200.000 chômeurs de longue durée, l'objectif du gouvernement est d'en placer 60.000 auprès d'associations partenaires.
La mesure a été promue par le
sémillant ministre des finances George Osborne, mais elle a tout de suite été
critiquée par le conseil national des associations de volontariats,
la National Council for Voluntary Organisations (NCVO).
Le NCVO qui regroupe 10.000 associations anglaises.
L'appel au boycott du conseil des associations NCVO
Dès le 28 avril, la NCVO lançait un
appel au boycott. Avec succès puisque cet appel regroupe toujours
plus d'associations : 350, dont des très grosses, avaient signé
l'appel « Keep volunteering voluntary », au 2 juin 2014.
Parmi celles-ci figurent Oxfam, l'Armée du salut, ou encore
Christian Aid.
Pour la ministre du travail, Esther
McVey, il n'est absolument pas question de punir des chômeurs.
Sans aller jusqu'à cette
interprétation, le monde associatif formule plusieurs objections majeures contre le « Community Work Placement ».
Premièrement, une expérience pilote
de ce schéma aurait montré des effets positifs « extrèmement
modestes ». D'après Jonathan Portes, du National Institute of
Economic and Social Research, interviewé par la BBC, le schéma ne
permettrait absolument pas aux demandeurs d'emplois d'obtenir un travail par la suite.
Volontariat forcé : un oxymore selon Oxfam
Surtout, ce schéma nuirait au maintien
du bénévolat. « Ces schémas impliquent le volontariat forcé,
ce qui non seulement est un oxymore, mais cela porte atteinte à l'opinion
des personnes sur la vertu énorme du travail bénévole »,
estime Oxfam.
La collaboration des associations au programme implique aussi un gros risque de réputation pour celles-ci, dans la mesure où elles deviendraient complices de la suspension des allocations chômage : si l'association partenaire du job center déclare l'absence du chômeur au poste de travail prévu, il perdra ses « allocs ». Ce serait, estime le NCVO, contraire aux valeurs de la "charity".
La collaboration des associations au programme implique aussi un gros risque de réputation pour celles-ci, dans la mesure où elles deviendraient complices de la suspension des allocations chômage : si l'association partenaire du job center déclare l'absence du chômeur au poste de travail prévu, il perdra ses « allocs ». Ce serait, estime le NCVO, contraire aux valeurs de la "charity".
Troisième objection, et non des
moindres : le programme, en augmentant la fréquence des
sanctions et en coupant le versement des indemnités, fera grossir
les rangs des utilisateurs de la soupe populaire. Et ce alors que la
faim en Angleterre est déjà une «crise nationale », selon une récente prise de position du
clergé anglais.
Malgré cette résistance des 350 associations, le gouvernement tient bon. D'après un de ses porte-parole, plusieurs associations ont tout de même choisi de coopérer avec le système. Le « placement » des chômeurs longue durée pourra donc commencer bientôt.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.
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