lundi 5 janvier 2015

Activisme : les victoires 2014


Aux Etats-Unis eBay et Google ont été obligés de quitter le lobby ALEC. En France la Société Générale a dû lâcher le projet Alpha Coal. Quant à Lego, le fabricant de jouets a terminé son partenariat avec Shell. Ce ne sont que trois exemples de grandes campagnes activistes qui ont réussi en 2014. Rétrospective.

Climat // eBay quitte l'American Legislative Exchange Council

Le 18 décembre, le patron d'eBay annonce que son entreprise cesse d'adhérer à l'American Legislative Exchange Council (ALEC). Motif : le lobby s'oppose à toute réglementation sur le changement climatique.



Créé en 1973, l'ALEC est un lobby qui regroupe environ 1800 parlementaires nord-américains et 200 grandes entreprises et juristes. Sa principale activité est de faire passer des propositions de lois, ou d'articles de loi, auprès des parlementaires des Etats, en cohérence avec trois principes : « gouvernement limité, libre marché, fédéralisme. » Mais de notoriété publique aux Etats-Unis, l'organisation diffuse un discours climato-sceptique et s'oppose à toute régulation sur le climat. D'après le patron de Google Eric Schmidt, l'ALEC «a menti littéralement sur le changement climatique ». Google a quitté l'ALEC peu de temps avant eBay, à l'automne 2014.

Le départ d'eBay et de Google signe la victoire des activistes de « Forecast the Facts ». Cette initiative web, qui se traduit littéralement par « Prévoir les faits », avait adressé plus de 100.000 signatures à eBay, le 18 décembre. Forecast the Facts est une émanation du Citizen Engagement Laboratory. Elle vise désormais AT&T, Verizon, FedEx et UPS. Avec un argument imparable : une entreprise responsable ne peut pas décemment mener une politique de décarbonisation de ses activités, afin de limiter ses émissions de CO2 (ce que ces entreprises font) tout en finançant parallèlement un lobby qui remet en cause la réalité du changement climatique.


Déforestation // Kellogg's s'engage sur l'huile de palme

Le 14 février 2014, Kellogg's dévoile une nouvelle politique d'achat sur l'huile de palme. Elle ne bannit pas l'huile controversée mais elle marque une véritable inflexion : l'entreprise s'engage à « s'approvisionner exclusivement en huile de palme avec traçabilité et produite sur un mode qui soit respectueux de l'environnement, socialement bénéfique et économiquement viable ». Outre le respect des principes RSPO (= huile certifiée durable), Kellogg's s'engage à protéger les forêts tropicales et les zones humides d'Asie.

On ne jugera pas ici de l'efficacité réelle de cette annonce : c'est un autre sujet. Mais contentons-nous de souligner qu'elle signifie la réussite des pressions mises sur Kellogg's par plusieurs organisations américaines. L'une d'entre elles, le projet Orangs , est une émanation de l'organisation des Scouts féminines (Girls Scouts USA, plus de 2 millions de membres). Orangs a été fondé par deux jeunes « passionnaria » Madison Vorva et Rhiannon Tomtishen en 2007. Après avoir créé une prise de conscience sur les liens entre huile de palme et déforestation des habitats d'orang outangs, au sein de l'organisation scout , les deux jeunes filles ont décidé de faire pression sur Kellogg's, premier producteur mondial de céréales matutinales et second producteur de cookies, une denrée dont les scouts raffolent.


« Nous communiquions avec le Directeur du développement durable de Kellogg's depuis 2012 et l'été dernier nous avons apporté 115.000 pétitions en partenariat avec SumOfUs, demandant à l'entreprise d'éliminer toute connexion avec la destruction de la forêt de Tony le Tigre, en lien avec les plantations d'huile de Palme ».


Investissement (ir)responsable // Société Générale se retire de la mine de charbon Alpha Coal

Le 5 décembre, un communiqué de presse de la Société Générale annonce que la Banque n'est « plus impliquée dans le projet Alpha Coal ». Victoire pour les activistes de Bizi ! , des Amis de la Terre et d'Attac, qui menaient campagne, certains depuis plusieurs années, contre le projet de mine de charbon en Australie. La Société Générale n'avait pas encore accordé de financement, mais elle assurait une prestation de conseil financier pour le promoteur de la mine, la co-entreprise indo-australienne GVK-Hancock. Le projet continuera, sans la banque française.

Situé sur le littoral du Queensland, Alpha Coal est un projet de mine de charbon pharaonique, dont l'impact sur l'environnement et les émissions de CO2 seront, s'il est mené à terme (et en prenant en compte les émissions de CO2 dans les centrales électriques indiennes), considérables. D'où l'opposition des trois organisations non gouvernementales. 

 

Ces derniers mois, l'organisation basque Bizi ! s'était distinguée en organisant des « picketing », c'est-à-dire des occupations non violentes de succursales Société Générale. Son message avait été renforcé par le retour de la question climatique dans les médias, sur fond de conférences onusiennes : COP20 à Lima et COP21 prévue à Paris.
Tant le mode d'action (incluant des « picketing ») que l'objectif (briser le contrat entre une banque française et un industriel asiatique) font de cet événement une première.


Pétrole arctique : Lego se fâche (presque) avec Shell

« Lego met fin à 50 ans de relations avec Shell », claironne Greenpeace le 9 octobre 2014. La veille, Jørgen Vig Knudstorp, le président du fabricant de jouet, a annoncé que son entreprise ne renouvellerait pas son contrat de co-promotion avec Shell, un contrat qui se traduisait par la présence du logo du pétrolier sur des jouets Lego et leur distribution en stations service.


La décision marque la victoire d'une campagne éclair de Greenpeace. Trois ans après sa campagne contre Mattel et Barbie sur la déforestation, l'ONG a frappé fort avec une vidéo diablement efficace, qui dépeint une marée noire dans l'océan Arctique. Contrairement à Total, Shell continue en effet d'envisager d'exploiter le pétrole dans cette zone du globe, alors que les risques environnementaux y sont particulièrement élevés. La vidéo avait été vue par plus de 6 millions de personnes, parmi lesquels plus d'un million avaient envoyé un email à Lego.


Campagne Detox : Lidl s'engage sur les molécules toxiques

Greenpeace toujours. Le 10 décembre, Lidl, deuxième chaîne de supermarchés discount au monde, répond à la campagne Detox de l'ONG en s'engageant à éliminer toutes les substances chimiques dangereuses de sa production textile d'ici au 1er janvier 2020. L'engagement de Lidl est conséquent : en Allemagne, la chaîne est devenue l'un des 10 principaux vendeurs de vêtements du pays, avec plus d'un milliard d'euros réalisés chaque année.

Conformément aux suggestions de Greenpeace , Lidl a publié un engagement très détaillé avec un calendrier d'actions progressives, de 2015 à 2020. L'entreprise ajoute une liste de onze molécules chimiques à bannir en priorité. En fait, cette annonce n'est que la dernière d'une longue série, qui a vu Puma, Adidas ... s'engager tour à tour, au rythme des rapports d'enquête effectués par l'ONG en Chine et en Europe. Le dernier rapport Detox, publié à l'été 2014, pointait la présence de nombreuses substances toxiques (phtalates, etc) dans plusieurs chaussures, T-shirts et autres vêtements vendus en Allemagne.

De quoi ces « succès » sont-ils le nom ?
Ces cinq réussites ne sont pas les seules, aux Etats-Unis par exemple, un projet de terminal charbonnier dans l'Oregon a été bloqué en août 2014, conformément au souhait de plus de 20.000 Nord-américains, qui avaient fait pression sur le gouverneur.

Mais quelle leçon peut-on tirer de toutes ces campagnes ? Un premier fait saute aux yeux : les causes qui ont gagné étaient environnementales, et non pas sociales ou financières. Pourtant, des campagnes existent sur des thèmes de justice sociale. Elles mobilisent moins.

C'est le cas par exemple de la campagne pour garantir un salaire vital aux ouvrier-e-s textiles d'Asie qui fournissent les multinationales. Cette campagne internationale pour un « Asian floor Wage » existe depuis 2007. En France, elle est portée par le collectif Ethique sur l'étiquette, un collectif qui regroupe la CFDT et le CCFD. Sans grand succès apparent à ce jour. Peut-être que les objectifs, tels qu'ils sont conçus, sont moins lisibles, ou bien la sensibilité du public est plus faible.

Quant aux « causes » financières, il ne semble pas y avoir eu de campagne significative là-dessus en 2014. Rien par exemple, pour pousser les multinationales à abandonner l'optimisation fiscale.


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