lundi 15 décembre 2014

Conférence Climat : Paris a sa coquille vide


 

19 ans après la première « conférence des parties » signataires de la convention climat de l'ONU, la vingtième « COP » s'est clôturée à Lima au Pérou, le 13 décembre. Résultat ? Un texte de 43 pages, « Lima Call for Climate Action », a été accepté à l'arrachée. Il est truffé de paragraphes optionnels, qui indiquent les désaccords restant à combler. Ce texte servira de base à l'accord définitif, attendu à Paris en décembre 2015. Echec, ou réussite, que cette COP de Lima ? Au sens strict, c'est-à-dire au vu des objectifs officiels, c'est une réussite, puisqu'une ébauche de texte a bel et bien été produite. Plus largement, cette conférence numéro 20 n'a pas fait bouger les lignes : les différences d'approche qui existaient auparavant, notamment entre les pays industrialisés et les pays les plus pauvres, subsistent. Les financements nécessaires pour s'adapter au changement climatique et pour décarboner les économies restent chiches. D'où les déceptions, affichée par les « vieilles barbes » des négociations climatiques et par les ONG environnementales. A leurs yeux, ce qui est sorti de Lima ne pisse pas loin.

Entre accord climat et stratégie du colibri
Pendant douze jours, les 193 Etats membres de l'ONU, plus l'Union Européenne et deux états rattachés à la Nouvelle Zélande (Cook et Niue, non membres de l'ONU), soit 196 « parties » au total, ont donc négocié l'ébauche d'un traité Kyoto 2.0. Le but de ce nouveau traité sur le climat, qui doit être finalisé lors de la prochaine COP, à Paris en décembre 2015, est d'engager les signataires à réduire leurs émissions de CO2, en cohérence avec un objectif de réchauffement climatique limité à 2°C d'ici 2100 (par rapport aux températures de l'ère « pré-industrielle »). Encore faut-il que les 196 signataires fassent comme l'Union Européenne l'a déjà fait en octobre : annoncer un engagement chiffré de réduction. Si tous les Etats n'ont pas joué le jeu avant le 31 octobre 2015 (ils sont même invités à le faire avant le 31 mars), la COP 21 fera « pshitt » et les autres pays auront devant eux une alternative : renoncer, ou bien faire comme le colibri dans la fable de Pierre Rabhi.

ONU : « le monde est sur les rails pour Paris 2015 »
Le communiqué final de la Convention cadre de l'ONU sur le climat est un très bon révélateur sur ce qu'a produit Lima : peu de choses nouvelles mais quelques avancées et des gros obstacles maintenus. Pour preuve, voici les deux premiers points mis en avant par l'ONU. Je les décrypte.
  • Financement du Fonds vert : « Des engagements ont été annoncés par des pays développés et en développement, avant et pendant la COP », à hauteur de plus de 10 Milliards de dollars.
Décryptage : à Copenhague (COP 15 en 2009) l'engagement était d'apporter 100 milliards de dollars par an d'ici 2020. Il reste six ans pour rassembler les 90 milliards manquants, ce qui fait 15 milliards d'annonces nouvelles en moyenne chaque année. Le chiffre peut paraître énorme, mais il est faible comparé aux subventions que les Etats versent à la consommation d'énergies fossiles (554 milliards de dollars en 2012, selon l'agence internationale de l'énergie).
  • « Les niveaux de transparence et de confiance ont atteint des nouveaux sommets (sic) puisque plusieurs pays industrialisés se sont soumis à l'évaluation de leurs objectifs de réductions d'émissions, dans le cadre d'un nouveau procédé appelé « évaluation multilatérale ».
Décryptage : Le cœur de l'accord sur le climat sera la somme des « contributions nationales volontaires », c'est-à-dire des engagements que chaque pays prend. La France, par exemple, s'est déjà engagée sur deux objectifs : -40% de CO2 en 2030 par rapport à 1990 (l'objectif est européen) et la division par 4 de ses émissions entre 1990 et 2050 (« facteur 4 »). Des objectifs de réduction spécifiques sont fixés pour les industries les plus émettrices et un « reporting » régulier est publié. C'est une transparence qu'on peut qualifier d'assez élevée.
Mais la crainte des négociateurs est que les engagements annoncés pays par pays d'ici décembre 2015 ne soient pas comparables et qu'on ne puisse par en faire la somme. Autre crainte : que par la suite le degré d'atteinte de ces annonces ne soit pas vérifiable. D'où l'accent mis sur les « bonnes pratiques » de transparence sur les objectifs de réduction CO2. C'est tout l'objet du nouveau procédé d'évaluation multilatérale auquel 17 pays se sont plié à Lima. Une sorte de tentative d'émulation / pression par l'exemple...

Dans les autres points à retenir : un prix au carbone
Deux nouveautés sont à souligner dans le texte qui a été adopté : la première est qu'il accorde (presque) la même importance aux mesures d'adaptation au changement climatique qu'aux mesures de réduction des émissions CO2 (« atténuation » ou mitigation en anglais). C'est fondamental pour les populations les plus touchées par le changement climatique.
Deuxième nouveauté : le texte reconnaît dans son préambule l'importance de mettre un prix (un coût) au carbone : « le prix du carbone est une approche clef pour que les réductions d'émissions de gaz à effet de serre soient viables économiquement (« cost effective ») ». Le prix du carbone signifie soit une taxe soit un système de quotas CO2 comme celui du marché européen ETS.

L'agenda 2015
Les équipes de Christina Figueres, la secrétaire générale de la Convention climat de l'ONU, ainsi que celles de Laurent Fabius, qui pilote l'organisation de la conférence COP21 à Paris, ont désormais des jalons clairs : les 195 pays sont invités à présenter leurs objectifs de réduction avant le 31 mars. Et l'ONU devra présenter une somme ou une « agrégation » de tous ces objectifs pour le 1er novembre 2015. D'ici là, les pays les plus exposés auront continué de trinquer et les colibris seront, probablement, un peu plus nombreux à éteindre l'incendie.

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Quelques articles de la COP Lima :

Pas de fumée blanche à Lima dimanche malgré les prolongations / AJEC 21
Dans cet article Claude-Marie Vadrot, un journaliste qui couvre les conférences climat de l'ONU depuis des années, est sans concession. A ses yeux, l'accord est faible et le spectre d'un réchauffement au-delà des 3°C se précise.

A Lima, la COP 20 sauve la face plus que la planète / Libération
Christian Losson décrit les tensions présentes à Lima. Intéressant.

L'accord de Lima sauve les négociations climat, l'Inde est satisfaite / Times of India
Selon le ministre de l'environnement indien, dont le pays est le troisième plus gros émetteur de CO2 , à Lima « toutes les attentes de l'Inde on été satisfaites », en particulier le maintien du principe de « responsabilités communes et différenciées », qui implique que les gros émetteurs historiques (pays de l'OCDE) fassent plus d'effort que les nouveaux ateliers du monde global. L'inde est attendu au tournant sur ses objectifs climat.


Crédit photo : Joisey Showaa / Flick

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