L'Europe s'acheminerait-elle vers la
réouverture de ses vieilles mines d'or ? Au nord de l'Espagne,
une entreprise canadienne est sur le point de réactiver une mine
déjà exploitée, il y a 2000 ans, par les Romains. Mais une vidéo virale et une pétition sur change.org pourraient bien torpiller le projet. D'autres projets de mines sont à
l'étude, en Galice et au Portugal.
Depuis le 21 mai, la vidéo
connaît un succès viral sur internet. 345.000 vues en à peine une
semaine. « Sauvons la Galice de la mégamine ! », ne
fait pas dans la dentelle : la mine sévère, sur fond noir
c'est de circonstance, des acteurs et « people »
galiciens assènent : « Quelque
chose de très grave est en train de se passer en Galice. Et peu de
gens le savent. La Galice ouvre ses portes à des multinationales
étrangères, pour se convertir en une grande mine à ciel ouvert.
Des millions d'euros, oui, mais pour quelques uns seulement. Nous
Galiciens, n'en retirerons que dévastation, pauvreté et quelques
emplois précaires qui disparaîtront dans quelques années... Des
mégaprojets pharaoniques, qui s'installeront à
quelques mètres de réserves naturelles ». Et la vidéo se
fait précise, accusatrice : « le projet le plus
important est la mine de Corcoesto, où seront extraits 34 tonnes
d'or ».
Corcoesto, l'or depuis les Romains
A Corcoesto, tout à recommencé en
juillet 2010, quand Edgewater , une « start-up » minière créée un an plus tôt à
Vancouver pour exploiter des mines de taille moyenne, a racheté la
concession à Lundin Mining Corporation, elle-même canadienne.
L'acquisition faisait suite au rachat partiel (à 45,9%) d'une mine
d'or au Ghana, qui reste à ce jour le seul autre actif d'Edgewater.
A l'époque en 2010, l'or est au plus haut et les fins limiers
doivent se dire qu'ils font une affaire juteuse en Espagne. « Le
projet a une infrastructure excellente, incluant un accès par route
pavée et à l'électricité, via une ligne à 22 Kv qui traverse la
propriété. Le site de Corcoesto consiste en trois concessions
d'exploitation sur 774 hectares », précise
le communiqué qui annonce l'opération. Contrairement aux esclaves
des Romains et aux mineurs du 19ème siècle, qui ont utilisé des
galeries souterraines, Edgewater prévoit une exploitation à ciel
ouvert, pour extraire au total 323 000 onces d'or, soit 9140 kilos
(chiffre de 2010), jusqu'en 2028. Ces chiffres ont ensuite été
gonflés puisqu'Edgewater annonce désormais une production de
102.000
onces, soit 2900 kg d'or, par an.
Pharaonique,
Corcoesto ? C'est plutôt un projet de taille moyenne, si on le
compare aux mines d'Amérique du Sud et le site, en phase
d'exploitation, ne devrait créer que 188 à 270 emplois directs, et
1600 emplois pendant la phase de mise en place. Aux yeux du
gouvernement régional, la « Xunta » de Galice, du
syndicat USO, le troisième plus gros syndicat d'Espagne, et de
plusieurs élus locaux, comme le maire de la commune voisine
de Cabanas de Bergantiños, José Muíño Domínguez, ces emplois
sont suffisants, avec les garanties apportées par l'étude d'impact,
pour justifier l'autorisation d'exploitation. Tous ont donc salué le
feu vert donné au projet par le ministère de l'environnement, le 17
décembre 2012.
La Société Galicienne d'Histoire Naturelle, fer de lance
Mais comme on s'en doute cette décision
ne fait pas que des heureux, à commencer par la Société Galicienne
d'Histoire Naturelle (SGHN), qui a pris la tête de la contestation.
Pour cette association scientifique de protection de l'environnement,
l'une des plus anciennes d'Espagne, la mine d'or est avant tout « une
menace pour la santé et les écosystèmes », du fait de
l'utilisation du cyanure,
qui va générer 8400 tonnes d'arsenic, et du dynamitage de la zone,
qui crééra 17 millions de tonnes de déchets. Depuis peu, Corcoesto
n'est plus la seule cible des écologistes : car une autre entreprise
canadienne, Goldquest, fait aussi la une des médias galiciens pour
avoir obtenu une autorisation d'exploration minière, dans une zone
située à cheval sur deux « réserves de la biosphère »
de l'Unesco (Río Eo-Oscos-Burón y Terras do Miño). Ces territoires
contiennent de nombreuses espèces protégées, s'inquiète Serafín
González Prieto de la SGHN, qui recense au total une dizaine de
projets miniers à l'étude en Galice, dans les métaux précieux.
Pour stopper cette vague d'industrie primaire, le directeur de la
SGHN a lancé une pétition sur change.org
qui connaît un franc succès, avec 170.000 signatures (au 29 mai). Après avoir convaincu la belle Sabela Aran, Carlos Blanco et autres célébrités galiciennes, la SGHN vient de rallier le patron du PS en Galice, Pachi Vázquez, qui déclare dans El Pais que la mine est une "autentica barbaridad" (intraduisible, et si...castillan !).
Jusqu'à présent, la contestation n'a
pas débouché sur des actions à grande échelle sur le terrain,
mais une première manifestation à Santiago (Saint Jacques de Compostelle) est
annoncée pour ce dimanche (2 juin). Avant des occupations ? La Galice, plus
que les autres régions d'Espagne, est sensibilisée aux
risques écologiques, pour avoir été victime de la marée noire du
Prestige, en 2002 et l'expérience acquise par les activistes, lors des mouvements Occupy et autres Indignados, pourrait bien élargir la contestation au delà de la Galice.
George Salamis, golden boy
Sur le site d'Edgewater, son actuel
président, George Salamis, un brillant géologue diplômé de
Polytechnique Montréal, fort de « 20 ans d'expérience dans
la mine », est crédité d'avoir « joué un rôle
intégral (...) dans plusieurs fusions et acquisitions pour des
montants excédant un milliard de dollars et dans des initiatives
financières significatives, puisqu'il a levé 800 millions de
dollars auprès d'investisseurs ». Edgewater, qui n'a pas
encore vendu une once d'or, pourrait bien se révéler le projet le plus délicat de sa carrière de golden boy.
Crédit photo : Brookiron / Viméo
Crédit photo : Brookiron / Viméo